L’expatriation du côté du conjoint

Partir s’installer à l’étranger lorsqu’on est un couple ou une famille c’est exposer chacun des membres du foyer à de grands changements. Il y a le plus souvent une opportunité de carrière pour le salarié expatrié, mais que se passe-t-il pour son conjoint ?

 

Aujourd’hui, plus de 80 % des cadres s’expatrient à deux, et le plus souvent c’est l’épouse qui suit. Moins de 5% des projets d’expatriation tiennent leur origine du travail de la femme (chiffres J.L. Cerdin « L’expatriation »).


Les dynamiques familiales ne sont toutefois pas identiques. Il existe certes des couples dits « traditionnels », où l’épouse ne possède pas d’activité professionnelle, mais dans 65% des cas (l’Expansion), c’est elle qui démissionne pour suivre l’affectation du mari. Soit son activité professionnelle était motivée principalement par le revenu qu’il engendrait, soit il s’agit de couples dits « à double carrière ». Dans ce cas, chacun des partenaires est fortement impliqué dans sa profession. Cette configuration conjugale contient parfois une notion de rivalité, voire de compétition entre les conjoints, ce qui peut dériver vers un puissant sentiment de renoncement pour celui qui voit son activité stoppée. En fonction de la relation qu’entretenait l’épouse à son travail, l’expatriation peut être vécue comme un sacrifice personnel.


La rupture subie par le conjoint est également sociale. Alors que le salarié expatrié retrouve assez vite un cadre de travail structurant, constitué d’un poste, de tâches, de responsabilités, de collègues et d’une hiérarchie, son partenaire est quant à lui face à un vide assez déroutant. Tous les repères sont à recréer, le quotidien est à organiser, et le réseau social à reconstituer. Cette impression de vide de sens momentané peut, s’il s’installe dans la durée, peser fortement sur l’estime de soi. Un sentiment d’inutilité sociale peut émerger, avec une terrible impression d’être à la fois incompétent et insignifiant au regard de la société. Quand se rajoute à cet état le « mythe de la super maman » capable de combiner aisément tous les rôles, on confronte un idéal fantasmé à une réalité meurtrie. De là naît parfois l’impression de ne vivre plus que dans un mode d’exécution automatique de tâches domestiques, ce qui génère un profond désarroi.  


Les choses sont également compliquées pour le conjoint qui porte la responsabilité de la mobilité vers l’étranger et qui fait face à un changement de cadre de travail ainsi qu’au stress de devoir relever de nouveaux défis professionnels. Il est en outre souvent la seule source de revenu du foyer. On parle de « la théorie du débordement » pour expliquer l’influence de la vie privée du salarié sur sa vie professionnelle. Si le stress des responsabilités professionnelles rencontre le stress de l’insatisfaction familiale, c’est tout le projet d’expatriation qui vacille.

Selon un sondage Sofres 2008, quasiment un couple sur 3 divorce suite à l’expatriation. En outre, le taux de divorce des expatriés est de 49% supérieur à celui des sédentaires. En effet, un couple qui connaît déjà des difficultés conjugales est, à la base, fragilisé pour affronter les difficultés inhérentes à l’expatriation, et les soucis initiaux s’amplifient.

 

Heureusement, l’expatriation peut également être une formidable opportunité pour se réinventer. Des ressources inexploitées sont sollicitées par le challenge de la nouvelle vie. Les situations imprévues rencontrées au cours de l’expatriation requièrent des solutions innovantes et un dépassement de soi. Quand le conjoint est exclus du monde professionnel de par son visa ou par un diplôme français non reconnu, une activité bénévole ou une reconversion peuvent être considérées. C’est en termes de développement personnel et de potentiel élargi que le conjoint peut se représenter l’enjeu de l’expatriation.

 

Si le conjoint expatrié est un homme, il subit l’obstacle supplémentaire d’être dans une situation non conventionnelle, où il se trouve en minorité de genre. Selon Bertrand Fouquoire (lepetitjournal.com) ce sont des « néo-aventuriers se riant des stéréotypes, aux avant-postes d’une société qui change, sachant donner pour recevoir et prendre des risques pour avancer. »

 

Que ce soit au travers d’une activité professionnelle, rémunérée ou non, d’une formation, d’une création d’entreprise, ou bien d’une activité culturelle, artistique ou artisanale, il s’agit d’entretenir et d’enrichir ses acquis et ses compétences. La carrière ne se pense pas uniquement en logique chronologique, mais plutôt en terme de « compétences développées » : acquisition d’une ou plusieurs langues étrangères, bénévolat, nouveaux savoir-faire, capacité de gestion, adaptabilité, réactivité, etc.

Mettre en valeur son expatriation facilite non seulement la reprise professionnelle lors d’un retour, mais cela participe aussi à se construire une solidité identitaire. Dans le cas d’expatriations multiples, la mise en place d’une activité dite « nomade » qui puisse être transférable au gré des mutations est à considérer (comme l’enseignement, l’artisanat, ou les nouvelles technologies).


Selon la coach interculturelle Margarita Silver, les sept facteurs de réussite pour la femme expatriée sont : la curiosité, l’acceptation des autres, l’acquisition constante de nouveaux apprentissages, le fait de saisir les opportunités présentes sans regretter les anciennes, l’acceptation de se sentir parfois abattue, le sens du partage et du contact, et enfin, exclure critiques et bouderies de son quotidien.

 

L’expatriation est considérée comme positive et constructive lorsque chaque membre de la famille en tire des bénéfices. Si la décision d’expatriation est concertée, si le conjoint prend une position de collaborateur volontaire, et s’il devient également actif en s’octroyant un temps de réalisation personnelle, alors le projet d’expatriation est perçu comme favorable et bénéfique. C’est au conjoint de se réinventer, de saisir les opportunités, et de puiser en lui les ressources pour construire un projet de vie enrichissant et harmonieux, qui réunit les bénéfices sociaux, économiques, familiaux et personnels auxquels il aspire. Le conjoint n’est alors ni passif ni au second plan,  mais aux commandes de sa destinée.

 

"L'expatriation du côté du conjoint"

par Magdalena Chaland

Life Coach
www.open-the-box.com

 

Lecture recommandée : Gaëlle Goutain & Adelaïde Russell "Conjoint Expatrié. Réussissez votre séjour à l’étranger" L’Harmattan.